Iroungou, bribes de l’histoire du Gabon au XIVème siècle
Iroungou, bribes de l’histoire du Gabon au XIVème siècle
Sous sa remarquable couverture forestière, ses vallées, ses collines et surtout ses falaises rocheuses, le Gabon abrite de nombreuses grottes qui attirent de rares passionnés tel que Richard OSLISLY, géo-archéologue à l’Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN). Ces cavités ruissellent d’informations sur l’histoire du Gabon, sa géologie et une faune cavernicole très spéciale. C’est un environnement à la fois étonnant et intéressant à découvrir.
Le Gabon révèle plus d’une centaine de grottes réparties sur l’ensemble de son territoire. Toutefois, il existe des zones à forte concentration, ce sont les régions karstiques. Ces lieux de formation calcaire, sont caractérisés par la prépondérance du drainage souterrain et par le développement d’une topographie originale due à la corrosion de la roche.
C’est en 1992, que le géo-archéologue de l’ANPN, Richard OSLISLY fait avec d’autres scientifiques, le tour du Gabon en quête de nouvelles grottes et de nouveaux trésors archéologiques. C’est ainsi qu’aux alentours du village Mbadi dans la province de la Ngounié, au croisement de la route Mouila, Ndendé et Moabi, qu’il repère une cavité inconnue cachée dans la forêt dense du Sud du Gabon, le gouffre d’Iroungou. N’étant pas préparé pour une descente en rappel par manque de matériel adéquat, il n’a malheureusement pu qu’estimer la profondeur de la grotte entre 23-25 mètres.
C’est en 2018, que la société OLAM PALM GROUP sollicite Richard OSLISLY afin de mener une étude spéléologique et archéologique des cavités sises sur ses concessions de palmiers à huile qui s’étendent de Mouila à Ndendé ; le gouffre d’Iroungou est pour la première fois visité et au comble des chercheurs, il révèle la présence de nombreux ossements humains associés à de nombreux objets métalliques. Ce partenaire a permis en 2019-2020 l’organisation de quatre expéditions scientifiques au sein d’Iroungou avec une équipe de chercheurs dont certains spécialistes, dans les domaines de la scannérisation et de la photogrammétrie en vue d’une reconstitution en 3D de la cavité et des anthropo-biologistes qui ont défini le sexe, l’âge et le nombre des personnes inhumées en ce lieu.
Par la suite, les membres de l’expédition découvriront ce qui fera de cette grotte, une référence à l’échelle nationale et internationale. Des objets métalliques en fer et en cuivre, des coquillages, des dents d’animaux, des crânes, des fémurs, une multitude d’ossements humains ainsi que d’autres artefacts ont accueilli les premiers scientifiques descendus dans la grotte. Ce sont donc 512 objets métalliques et 28 individus qui ont été recensés dans la cavité.
Que s’est-il passé ?
Au regard de la profondeur de la grotte, il semble impossible que des êtres humains y soient descendus d’eux-mêmes sans aucun matériel adéquat. Selon les données collectées par les scientifiques et suite à leurs analyses, il a été déduit que les corps ont été poussés dans l’entrée de la grotte. L’hypothèse retenue par la science est qu’il s’agit d’une grotte sépulcrale.
Quand cela s’est-il passé ?
Les analyses carbone 14 de certains ossements ont révélé que les corps retrouvés dans la grotte sépulcrale datent du XIVème siècle.
De nouvelles connaissances sur la culture
Les crânes retrouvés dans la grotte n’avaient pas d’incisives. Les personnes dont les ossements ont été retrouvés dans cette cavité, semblent donc avoir appartenu à une communauté qui avait coutume de retirer volontairement ces dents. Cette pratique nommée avulsion dentaire n’existant pas actuellement au Gabon, elle pourrait avoir été le quotidien des populations vivant dans le sud du Gabon au XIVème siècle. Fait culturel jusque-là méconnu.
Mais qui sont ces peuples ?
Cette question reste un des principaux axes en matière de recherche sur la cavité. Le prélèvement de molaires pour étude génétique a permis d’avoir des données sur les origines des personnes dont les ossements ont été retrouvés, notamment de déterminer des groupes ethniques dont l’ADN s’y rapproche.
En termes d’ossements humains, notamment parmi les 28 squelettes, ont été retrouvés principalement des crânes, des dents et des fémurs. Ces éléments ont constitué les données sur lesquelles les scientifiques se sont appuyés pour effectuer leurs recherches. Ainsi, l’étude des ossements a permis de déterminer qu’il s’agissait de 21 hommes, 3 femmes et 4 enfants. De plus, la quantité d’objets métalliques retrouvés favorise l’hypothèse selon laquelle il s’agissait de personnes d’un rang dignitaire important.
Des interrogations de plus en plus nombreuses
512 objets métalliques en fer et en cuivre, dont des couteaux, des sagaies, des haches, des herminettes associés à des coquillages et des dents d’animaux (hyènes et panthères) ont été recensés dans la cavité d’Iroungou. Ces objets du XIVème siècle ont de nombreux points communs avec les derniers objets ethniques en date. Parmi ces objets, un se démarque et attire la curiosité de la communauté scientifique qui n’en a pas vu d’autres du genre dans le monde.
Les recherches continuent autour de la grotte d’Iroungou. Toutefois, il est important de valoriser et vulgariser auprès du grand public, cette grande découverte.
Le Musée National des Arts, Rites et Traditions du Gabon abrite une collection d’environ 3000 œuvres et objets d’art traditionnels gabonais. C’est en ce lieu qu´a été organisée l’exposition « Iroungou : de l’ombre à la lumière », première exposition archéologique au Gabon laquelle fin décembre 2022, avait attiré plus de 65 000 visiteurs depuis son inauguration le 13 septembre.
Mêlant recherche scientifique, multimédia et technologie, cette exposition, dont la mise en place a été coordonnée par l’Agence Nationale des Parcs Nationaux , a été la première du genre dans la sous-région, notamment avec la présence de la réalité virtuelle par l’utilisation de casques 3D.