Le cinéma Gabonais
La rétrospective sur les Cinquante ans du cinéma gabonais constitue une première dans notre pays et au plan africain.
Elle a permis de mieux faire connaître les hommes, les cultures, l’Histoire et les histoires de notre pays. Le choix du Gabon comme pays invité d’honneur lors du dernier FESPACO, a rétabli le Gabon comme faisant partie des pays pionniers du cinéma africain subsaharien et réaffirmer l’engagement permanent que l’Etat gabonais accorde au 7ième art. De nouveaux horizons s’ouvrent avec leurs bagages d’émotions, d’ambitions, d’espoirs pour le cinéma gabonais de demain. Aussi, il nous a paru opportun de dresser un tableau synthétique de son Histoire et de l’inscrire dans de nouvelles perspectives.
Les années-lumière
Les années des indépendances vont conduire les jeunes nations africaines à se préoccuper de leur représentation. Le Gabon à ce moment-là est, avec le Sénégal, le Niger, la Côte d’Ivoire, l’un des rares pays francophones africains à prendre un départ cinématographique foudroyant. D’abord avec La Cage, d’après un scénario de Philippe Mory réalisé en 1962 par Robert Darene. La Cage sera le premier film d’Afrique noire en compétition officielle à Cannes en 1963. Le 4 mars 1966, cinq ans après le premier vol spatial effectué par le soviétique Youri Gargarine une équipe de réalisation de la Radio Télévision Gabonaise, dirigée par Jean-Luc Magneron, présente Chouchou cosmonaute : le premier cosmonaute gabonais qui s’embarque à bord de la fusée Ogooué… pour la lune. Tous les spectateurs de l’époque et même les écoliers qui furent transportés à l’aéroport, transformé pour le film en centre spatial, crurent l’événement réel. Ce film qui est certainement l’un des premiers dans le genre de la science-fiction en Afrique ira la même année au grand concours international des films d’actualités de Cannes.
De 1969 à 1978 la production cinématographique est tous azimuts, on a droit à des courts-métrages : Carrefour humain (1969), Lésigny (1970), Sur le sentier du requiem (1971) de Pierre-Marie Dong ; Bonne nuit, Balthazar (1970) de Louis Mebalé, Les rois mages (1972), La grasse matinée (1973) de Charles Mensah ; Maroga une première (1974) de Georges Gauthier Révignet, Un Noël pas comme les autres (1978) d’Alain Dickson…, des longs-métrages : Les tam-tams se sont tus (1971) de Philippe Mory ; Identité (1972) de Pierre-Marie Dong, Obali (1976) et Ayouma (1977) de Pierre-Marie Dong et Charles Mensah ; Demain un jour nouveau (1978) de Pierre-Marie Dong ; Ilombé (1978) de Charles Mensah et Christian Gavary ; Où vas-tu Koumba (1971) d’Alain Ferrari et Simon Augé un feuilleton à succès de 13 épisodes de 30 mn de qualité cinéma et autant de documentaires qui furent réalisés de façon ininterrompue.
La grande ellipse
De 1978 à 1994 c’est la grande ellipse. Un vrai fondu au noir avec une petite ouverture en 1983 avec Equateur de Serge Gainsbourg adapté du roman Le coup de Lune de Georges Simenon. Puis, en 1986 les réalisations successives de Raphia de Paul Mouketa et Le singe fou d’Henri-Joseph Koumba Bididi qui sont toutes les deux récompensées respectivement à Carthage et à Ouagadougou. Ces deux films qui révèlent deux nouveaux auteurs marquent surtout une rupture dans l’écriture et le style, tout en ayant un très fort ancrage sociologique.
La création des synergies
Charles Mensah, directeur général du CENACI impulse dès le début des années 90 des coproductions afin de relancer la production gabonaise. L’expérience débute avec Le Grand blanc de Lambaréné (1995) de Bassek Ba Kobhio, et Le Damier (1996) de Balufu Bakupu Kanyinda. L’action de coproduire qui est indispensable au développement de nos cinématographies s’appuie sur une réflexion objective.
Aucun pays d’Afrique noire en dehors de la République Sud-africaine ne dispose à lui tout seul de suffisamment de moyens financiers et techniques et de ressources humaines. La coproduction aura également montré le panafricanisme cinématographique gabonais. Nombreuses sont les productions qui en auront bénéficié : Le Silence de la forêt (2003) de Didier Ouénangaré et Bassek ba Kobhio, Tartina City (2006) d’Issa Serge Coelo, L’héritage perdu (2010) de Christian Lara et Batépa (2011) d’Orlando Fortunato. A côté de ces cinéastes, deux auteurs gabonais se démarquent. Imunga Ivanga qui compte une douzaine de films parmi lesquels Dôlè (l’argent) (1999) et L’Ombre de Liberty (2006) et Henri Joseph Koumba Bididi avec Les couilles de l’éléphant (2000) et Le collier du Makoko (2011). Le documentaire n’est pas en reste avec Alain Didier Oyoué avec Jean Michonnet, une aventure humaine (1998), La forêt en sursis (2002), Promesse d’un nouvel eldorado (2002), Roland Duboze Pierre de Mbigou, (1998), Antoine Abessolo Minko Au commencement était le verbe (2003) et Itchinda ou la circoncision chez les Mahongwé (2009). Certains de ces films auront un retentissement au plan international.
Dans le sillage de ces auteurs, s’activent de nouveaux talents qui réaliseront des courts métrages de fiction et documentaires parmi eux Karine Yèno Anotho avec Gloria (2001), Nadine Otsobogo Boucher avec Songe au rêve (2006), Il était une fois… Naneth (2008), Dialémi (2013) ; Manouchka Kelly Labouba avec Michel Ndaot : Entre ombres et lumières (2008) et Le Divorce (2009) ; Fernand Lépoko avec Maléfice (2008) et Terre et fils (2013) ; Vyckoss Ekondo, Une expression culturelle nommée Tandima (2008) ; Pol Minko Jeanne la pécheuse (2006), De fils en aiguilles… le parcours d’un artiste (2008) ; Roger Mavoungou Edima Lybek, Le croqueur du vif (2008) ; Olivier Rénovat Dissouva Les plongeuses de la Banio (2008) et La Clé (2013).
Les nouvelles technologies, notamment le numérique, vont révolutionner les modes de production et de diffusion. Cela permet d’augmenter notre capacité à produire notre propre culture, combler le déficit de nos modèles de référence et reconquérir nos écrans. Mais le revers de son accessibilité peut conduire certains à faire l’impasse sur l’artistique et à un certain émiettement du scénario.
Le cinéma indépendant né dans le début des années 90 avec des auteurs issus du clip vidéo, notamment André Ottong La Cithare, Sy, La Chambre des filles et Patrick Bouémé Shanice ont eu à réaliser des films et des séries télévisées, est un phénomène qui va grandissant et dont il faut tenir en compte, dans le sens où il faut réussir à le professionnaliser. Des auteurs tels Maggic Youngou Cap Estérias (2010), Dominique Donatien Mpoumba Fantomas (2011), Van Mabadi Amour ou sentiment (2011), Vacances à Kinguélé (2013) et Melchy Obiang Kongossa, L’amour du diable (2011), Le cœur des femmes (2013), La puissance de la foi (2014), Patrick Bouémé La Chambre secrète (2014) en sont les plus représentatifs.
Retour vers le Futur
D’autres jeunes talents s’affirment avec des films de facture internationale tant dans le documentaire que la fiction, ils appartiennent à la sixième génération issue des classiques. Il s’agit d’Alice Atérianus Owanga Les nouvelles écritures de soi (2010), La vie en Black or White (2013), Murphy Ongagna Home studio (2010), Pauline Mvélé Accroche-toi, (2008), Non coupables (2011), Sans famille (2013), Joël Moundounga L’épopée de la musique gabonaise actes 1, 2, 3 (2009-2013), Nathalie Y. Pontalier Le maréchalat du roi dieu (2011), Le Club des silencieux (2014), Filip Vijoglavin Une trompette au bord de mer (2010), Marc Tchicot et Frank Onouviet The Rhytm of my life (Au ryhtme de ma vie) (2011); Philippe Ibinga Karolyn (2011) ; Amédé Nkoulou Moane Mory (2014).
Fenêtre sur cour
Ce que l’on peut retenir du cinéma gabonais selon le critique Steeve Renombo Ogula c’est : « qu’il affiche des thèmes aussi divers que le fantastique, l’amour impossible, la tyrannie de l’argent comme celle du pouvoir, l’injustice sociale et l’enfer des zones infra urbaines, la quête de liberté et les citadelles encore interdites, bref des questions d’ordre existentiel engageant le présent de l’homme dans une société passée au crible serré du questionnement cinématographique. (…) C’est davantage un cinéma investissant l’espace urbain, et s’éloignant du cadre rural, (à l’exception d’Identité, Ilombé, et Le Collier du Makoko qui conjoignent les deux espaces ; d’Obali et Go zamb’olowi (Au bout du fleuve), qui se limitent au village et relevant très peu du cinéma ethnographique».
De nouvelles initiatives visant à renforcer le financement public et privé, ainsi que l’établissement d’un cadre réglementaire plus affirmé, ouvrent des perspectives plus grandes. L’on notera en 2011 la première édition du Festival International des Courts d’école à l’initiative de Samantha Biffot, qui a connu un bel engouement auprès des jeunes, et a été sanctionné par des ateliers de formation ayant abouti à la réalisation par un collectif, du court métrage Hôtel Mindoubé. Le Festival du Film de Massuku initié par Nadine Otsobogo consacré à l’environnement a connu sa première édition en 2013. Le plus ancien des festivals est les Escales documentaires de Libreville (EDL) qui en est à sa 8ème édition. Ce festival offre un large panorama des mutations qui transforment le continent, met en valeur la nouvelle vague du cinéma africain, stimule la création gabonaise et surtout fait de Libreville une place culturelle majeure.
Ainsi, L’IGIS en plus de découvrir de nouveaux talents et d’être à l’initiative des projets visant à renforcer l’organisation du cinéma au Gabon, servira-t-elle de passerelle, afin de permettre une exposition plus grande des auteurs et de leurs films.