La disparition programmée des éléphants
Si l’éléphant est en danger, l’homme l’est aussi !
Chassé pour son ivoire, détesté à mort par les villageois, l’éléphant est pourtant la garantie de survie de l’homme qui dépend des forêts. L’observer, le comprendre pourrait aider à mieux le protéger.
Biologie
Il existe deux espèces d’éléphant en Afrique : l’éléphant de savane (Loxodonta africana africana) et celui de forêt (Loxodonta africana cyclotis). L’espèce de forêt est plus petite (2 à 3 m en moyenne) que celle de savane (atteignant jusqu’à 4 m). ses défenses sont plus droites et pointent vers le bas. On peut aussi les différencier par la taille, la forme de leur crâne et de leur morphologie générale.
Les éléphants d’Afrique sont les plus grands animaux terrestres. Leur trompe est une prolongation de la lèvre supérieure et du nez. Ils l’utilisent pour communiquer et attraper la nourriture. Son extrémité se termine par deux “doigts”. La trompe du “cousin” d’Asie ne porte qu’un seul “doigt”.
Les défenses de l’éléphant sont ses incisives. Elles continuent à pousser durant toute la vie de l’animal. Elles sont utilisées pour combattre, se nourrir et creuser. Les éléphants d’Afrique ont de très grandes oreilles. Ils les utilisent pour se refroidir et, parfois, intimider. Ces géants mesurent de 6 à 7,5 m de long, ont une couleur brun-gris et pèsent en moyenne six tonnes.
Mode de vie de l’animal
Les femelles ont un petit tous les quatre à cinq ans, qui naît avant la saison des pluies. La gestation est de 22 mois. Les éléphanteaux restent jusqu’à six ans auprès de leur mère. Les mâles quittent leur groupe à la puberté. Ils forment un groupe avec d’autres adultes du même sexe. L’espérance de vie est de 70 ans environ.
Les éléphants vivent généralement en troupeaux de femelles apparentées avec leurs petits. Ceux de savane vivent principalement en groupe de 100 animaux, voire plus. La taille moyenne des groupes d’éléphants de forêt est de 2,4 soit une femelle avec ses petits.Les mâles deviennent solitaires à partir de 6-10 ans. Herbivores, ils mangent une grande variété d’éléments végétaux : herbes, plantes, feuilles, fruits, racines et tubercules, écorces et même du bois. Ils évoluent dans une société “matriarcale” où la femelle la plus âgée est le chef de troupe. Très protectrice, celle-ci n’attaque que pour protéger la progéniture contre ceux qui s’y approchent de trop près.
Le régénérateur des forêts par excellence
Gros mangeur de fruits, l’éléphant sème dans ses déjections des graines qui aident la forêt à se régénérer. Il crée des clairières propices à la grande faune (buffles, léopards, grands singes et beaucoup d’autres mammifères dont les antilopes). Sa disparition “aura des répercussions sur toute la forêt, du plus minuscule insecte aux grands mammifères”. L’éléphant est aussi un indicateur écologique de l’état global de la santé de l’écosystème : la régression et l’éventuelle disparition d’un herbivore d’une telle importance entrainerait celle de beaucoup d’autres espèces.
L’éléphant joue un rôle de tout premier plan dans l’équilibre écologique de son habitat. Il limite la croissance des végétaux envahissants et dissémine les graines des plantes dont il se nourrit. Les comportements de l’animal ont une influence bénéfique sur le développement des nombreuses espèces animales et végétales qui partagent son milieu naturel.
Le “musth” (ou must) :
origine de l’agressivité de certains mâles
La glande située entre l’œil et l’oreille libère des secrétions noirâtres faites de frontaline (phéromone ou substance chimique déclenchant des réactions physiologiques ou comportementales chez certaines espèces) : c’est le musth, un état qui affecte périodiquement les mâles. Il se caractérise par des comportements agressifs. Les niveaux de testostérone chez un éléphant en musth peuvent être jusqu’à 60 fois plus élevés qu’en situation normale. Il se produit une à deux fois dans l’année. La durée et l’intensité du musth sont liés à l’âge de l’animal. Si, pour les jeunes mâles, il ne dure que quelques jours, il peut aller jusqu’à quatre mois pour les adultes. Une fois sous influence, même le plus placide des éléphants en temps normal peut essayer de tuer n’importe quel être humain.
La fragmentation des forêts :
perturbation de communication et des mouvements migratoires
La fragmentation de l’habitat signifie que la plupart des parcelles de forêts disponibles deviennent étroites pour les populations d’éléphants, ce qui augmente les incidents entre ces derniers et les humains.
Dans certains cas extrêmes, ils peuvent être tués suite aux dégâts causés aux propriétés ou au ravage des plantations agricoles. L’exploitation forestière qui fragmente leur habitat et le bruit d’engins lourds qui dérange et désoriente, sont les principales causes du dysfonctionnement des flux migratoires de ces animaux, perturbant par la même occasion leur mode de communication dont ils dépendent sensiblement. La couverture forestière limitée signifie également que les éléphants doivent aller se nourrir ailleurs et se retrouvent ainsi piégés dans des zones retranchées, devenant alors des cibles très faciles pour les braconniers.
Les derniers retranchements
deviennent des sources de conflits
En plus de la fragmentation de la forêt, les derniers retranchements sont sources de conflits entre l’homme et l’éléphant. Leur habitat étant considérablement réduit, ils trouvent refuge dans des zones qu’ils jugent paisibles et pleines de nourriture, non pas sans mécontenter les humains.
Gaspillage alimentaire et menace sur le tourisme
La chasse commerciale est l’une des entraves majeures au tourisme au Gabon. Il ne s’agit pas seulement d’éléphants mais de gorilles, chimpanzés et autres mammifères. En ce qui concerne les pachydermes, ils sont souvent chassés pour leur ivoire au détriment de la viande qui est, pour la majorité des cas, laissée à l’abandon ou rarement consommée sur place. Par ailleurs, l’éléphant vivant vaut beaucoup plus pour le Gabon que lorsqu’il est mort, même si on vendait sa viande. Un éléphant tué dont on revendrait la viande ne rapporterait que quelques milliers de francs. Alors que le même animal, vivant, en plus du rôle de jardinier qu’il joue, pourrait générer des millions chaque année grâce au tourisme. Charismatique et emblématique, l’éléphant est un animal qui participe activement à la promotion des sites touristiques du pays grâce à la satisfaction qu’il procure lorsqu’il croise le chemin des touristes. Mais cette situation agréable pourrait tourner au cauchemar au vue des scènes macabres occasionnées par le passage des braconniers toujours avides de l’or blanc.
Ivoire de sang, enjeux de sécurité
Comme certains diamants, l’ivoire constitue un véritable moteur de guerre entre certains acteurs.
La demande qui explose, principalement en Asie, pousse les braconniers à plus de massacre en Afrique. Ils sont surarmés et organisés en réseaux pour faciliter le commerce illégal entre les pays de transit et la destination finale du produit. L’argent tiré de l’ivoire sert généralement à financer des opérations sombres et à soutenir des milices et autres mouvements terroristes.
L’homme et l’éléphant :
la symbolique socio-culturelle
Depuis des temps immémoriaux, l’homme et l’éléphant ont toujours cohabité et créé une interaction entre eux. C’est grâce aux pistes d’éléphants que l’homme se fraie facilement du chemin au cœur de la forêt. Pour certains peuples d’Afrique et, en particulier chez les peuples gabonais, l’éléphant est une espèce animale emblématique qui occupe une place de choix dans les rites et traditions. Il est présent dans la plupart des contes et légendes, symbolisant force, courage, sagesse et autorité. L’éléphant constitue une espèce de référence, un totem sacré dans de nombreux rites et croyances.
Menacé d’extinction
L’hypothèse effrayante, pourtant probable, est que les éléphants risquent de disparaître d’ici 2050, si des efforts ne sont pas accrus pour le protéger. Leur population en Afrique est estimée à environ 500 000 individus aujourd’hui. Seulement, compte tenu du rythme auquel ces pachydermes sont abattus pour leurs défenses tant prisées, il risque de ne plus en exister en Afrique si cette tendance se maintenait.
En 10 ans seulement, près de 20 000 individus ont été abattus au nord-est du Gabon. La population des éléphants du pays, estimée à 60 000 têtes à l’origine, ne serait plus que de la moitié. Cette situation est la résultante d’un braconnage intensif, de la vente illégale de l’ivoire et du morcèlement de l’habitat de l’animal. Si l’éléphant disparaît, les forêts s’appauvriront et l’humanité en souffrira.
Texte : Joseph MAYOMBO, ANPN Crédit photos : ANPN et al